Leaticia Marie Eliane Nabi

Une dame de fer

La vie m’a permis de connaître ma grand-mère maternelle. Une personne aimante et bienveillante prête à tout pour moi. J’ai été sa première petite-fille et j’ai eu la chance d’avoir profité au maximum de son amour et son attention. Malgré toute sa gentillesse et sa patience, cette dame de fer a été confrontée à des difficultés majeures, qui ont bouleversées le cours de sa vie.

La recherche de la pitance

Ma grand-mère est originaire de la Côte d’Ivoire. Dans les années 60, elle a rencontré un jeune homme burkinabè avec qui elle s’est mariée. La vie en terre ivoirienne n’était pas facile, ils ont donc décidé de venir au Burkina Faso. Elle ne connaissait personne dans ce pays, sauf son mari. Ma mère m’a dit que sa principale difficulté était liée à la recherche d’un travail. Elle était dépourvue d’un quelconque diplôme scolaire ou universitaire. Aussi, elle ne parlait que le dioula (ndlr: langue mandingue parlée ou comprise au Mali, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso). Que faire ?

Une grand-mère avec ses petits enfants sur un canapé. Crédit : Freepik.

Un beau matin, avec ses petites économies, elle commença donc à vendre de la bouillie, car c’était la principale activité qu’elle savait faire quand elle était même à Abidjan. Mais le gain obtenu était peu pour subvenir aux besoins de la maison. Mon grand-père ne travaillait plus, car l’insertion au pays natal s’est avérée difficile. Ma grand-mère décida ainsi donc de vendre en plus de la bouillie, un jus local communément appelé « zoom-koom« .

Cette dame de fer était prête à tout, selon les témoignages, pour s’intégrer dans le pays des hommes intègres. Il paraît qu’elle essayait d’apprendre quelques mots en mooré, une des langues nationales les plus parlées, dans l’optique d’éviter l’exclusion sociale. Je constate qu’elle ne se laissait pas abattre par les difficultés quotidiennes et poursuivait son bout de chemin.

Un veuvage précoce

La situation de ma grand-mère avait l’air de s’améliorer, car l’argent ne constituait plus un souci majeur pour elle. Malheureusement, la vie en a décidé autrement. Dans les années 90, mon grand-père rendit l’âme. Ma mère me fit savoir, que l’avenir devenait douteux pour eux. En effet, étant une étrangère, elle ne savait pas vers qui se tourner et demander de l’aide. Elle prit la décision de vendre la parcelle et retourner en Côte d’Ivoire. Mais sa belle-famille s’opposa et voulait lui imposer un nouveau mari, parce que cela faisait parti de leurs coutumes. Seulement, la dame de fer désapprouva vivement cette idée et décida de rester. Deux de ses enfants décidèrent de repartir en Côte d’Ivoire. Le dernier enfant étant une fille se maria et s’en alla.

Elle resta finalement seule et continua son commerce. Elle ne voulait pas prendre le risque de perdre sa maison et ses acquis. Ma grand-mère réclama donc les papiers de la parcelle, dans le but de faire des rénovations. Comme le malheur n’arrivant jamais seul, ses beaux-frères lui firent savoir qu’ils avaient perdus les papiers de la parcelle et que la deuxième femme de mon défunt grand-père viendrait bientôt. Ce fut un choc pour elle. Que pouvait-elle faire ? Il ne voyait en elle qu’une étrangère.

Le retour au pays natal

A mon humble avis, il était préférable que ma grand-mère retourne en Côte d’Ivoire. Elle n’avait plus à souffrir, car elle avait lutté comme elle le pouvait. Mais j’étais très petite pour m’interférer dans les discussions d’adultes, à cette époque. En 2011, mon oncle revint au Burkina Faso pour lui sommer de rentrer avec lui. En effet, il évoquait le fait qu’elle était restée très loin de sa famille et que tout le monde avait hâte de la revoir. À la suite de plusieurs refus et négociations, elle finit par accepter. Les gens du quartier étaient vraiment émus de la voir partir. Les bénédictions pour lui souhaiter un bon voyage fusaient de partout. Ce jour-là, j’étais stupéfaite par tant d’amour et de reconnaissance pour ma grand-mère.

Cette vendeuse de bouillie a su avoir le respect de tout le monde. Ce que tout le monde ignorait, c’était le fait qu’il s’agissait d’un adieu.

La vieillesse et les regrets

Selon ses dires au téléphone, sa famille l’a véritablement accueillie en grande pompe. La joie de vivre avait fui sa vie il y a très longtemps et la chaleur des siens lui avait redonné le sourire. Seulement, une vérité terrible devait lui être annoncée. La venue de mon oncle au pays cachait bien quelque chose de triste. Effectivement, ils l’ont fait revenir pour lui annoncer que ses frères et sœurs, de même que leurs enfants sont tous décédés. Certains devinrent très vieux, d’autres furent emportés par les circonstances malheureuses de la vie. Il ne restait que deux petits enfants de ceux-ci, qu’elle connaissait à peine. La douleur et la tristesse m’envahirent. J’avais mal pour elle.

Ma grand-mère est un exemple pour moi. En effet, elle a tout quitté pour l’amour de sa vie. Cette femme a lutté contre vents et marées pour réussir dans un autre pays. Elle a connu l’humiliation des proches de son mari et la trahison de celui-ci. Malheureusement, la vieillesse a pris son corps et son esprit. Seuls les souvenirs restent. Quand je l’appelle souvent, elle me demande le jour de ma venue. Ne voulant pas la rendre triste, je lui dis que je suis en route. Et je mets fin ainsi à la discussion, en souhaitant un bon soir à ma dame de fer.


La vie en communauté

Une foule de personnes de différentes couleurs symbolisant une vie en communauté. Crédit : Freepik

Chacun est responsable de sa vie et chaque décision prise concerne non seulement notre être, mais aussi notre entourage. Entourage qui regorge d’une diversité de personnes, avec des habitudes et pensées différentes. Par cet article, je voudrai évoquer l’impact que chaque habitant a ou peut avoir sur la vie en communauté. Il est relatif à mon quartier, Bonheur-ville, arrondissement 06 de la ville de Ouagadougou. Il s’articulera autour des points suivants : les ordures provenant des ménages, l’apparition des mauvaises herbes, et des nids de poule sur les voies.

La gestion des ordures ménagères

Les ordures étouffant la planète, entravant la vie en communauté. Crédit : Freepik.

Dans la plupart des communes de la ville de Ouagadougou, on constate qu’il y a peu de bacs à ordure pour contenir les immondices ramassées auprès des ménages. Cette situation s’aggrave en plus avec une démographie croissante.

En saison hivernale, dans mon quartier à mon Bonheur-ville, les immondices sont jetées sans soins et à l’abri des regards. Les ménages qui ont décidés de ne pas installer de poubelles devant leur porte ou à l’intérieur de leur cour, déversent leurs immondices dans les parcelles inhabitées ou dans les herbes. Ces immondices sont principalement des vieux vêtements, de la nourriture, des meubles cassés. Les plus gros objets constituent des risques d’accident pour les autres habitants.

Par la technique du bouche à oreille, j’ai cherché à savoir quelles sont les raisons empêchant certains ménages à ne pas avoir de poubelles? J’en ai obtenu deux qui sont discutables. La première raison avancée était la cherté de la poubelle. Sur le marché, ladite poubelle coûterait trente mille FCFA avec les frais de transport et d’installation y compris. Il est également possible d’avoir d’autres modèles à coûts réduits et pour une longue durée. La deuxième raison était le fait qu’ils ne sont pas prêts à débourser de l’argent pour faire ramasser leurs immondices et aussi que les frais sont élevés. Alors que l’Association des femmes chargées du ramassage des immondices dans le quartier passe au maximum deux (02) fois dans la semaine et prenne mille FCFA toutes les fins du mois.

Il y a la pauvreté, c’est vrai, mais j’ai remarqué que ces ménages sont dans la capacité de s’en procurer. Ils ne sont pas disposés à avoir un cadre de vie sain et une agréable vie en communauté. Tant que leur devanture est propre, le reste, on peut vivre avec. C’est bien triste !

La gestion des mauvaises herbes

Une homme et une femme avec leurs matériels de ménage. Crédit : Freepik.

Je ne dirai pas que c’est un fléau, mais en saison hivernale les mauvaises herbes constituent un véritable problème pour le voisinage. Elles poussent généralement dans les espaces vides ou laissés à l’abandon, telles les parcelles vides. L’herbe est parfois très haute, surtout avec de bonnes pluies. Elle constitue des repères pour reptiles, moustiques et agresseurs pendant la nuit.

Triste est de constater que les habitants ne s’en préoccupent pas, à moins que leur devanture soit concernée. L’odeur de certaines herbes est source de nombreux rhumes et de maladies liées à la respiration. Ce qui est étonnant, c’est que les gens profitent pour jeter leurs immondices à l’abri des regards indiscrets. L’odeur de putréfaction est d’autant plus insupportable après une pluie. La vie en communauté est ainsi troublée et la plupart des gens ne disent rien.

Les nids de poule

Il est courant de voir la voie d’un quartier jalonnée de petits trous, qui rendent pénible la circulation. Ils troublent la vie des riverains. Ces petits trous sont multiples et varient de largeur et de profondeur à différents passages. Ce qui est hilarant de voir, c’est que devant les habitations où se trouvent les trous, les propriétaires placent des briques afin d’éviter que les motocyclettes, les engins à quatre roues n’empiètent sur leur propriété.

Dans certains quartiers, les propriétaires construisent des ralentisseurs anarchiques pour éviter les éclaboussements d’eau et de boue devant leurs concessions. Par contre dans d’autres, les habitants remplissent les nids de poule par des ordures ménagères. Ce n’est pas croyable ! On assiste à l’installation d’un dépotoir au milieu du quartier, avec des problèmes de santé publique, car les enfants y jouent en longueur de journée et, d’esthétique, ce n’est beau à voir. Il n’y a aucun respect de la vie en communauté.

En somme, chacun est libre de faire ce qui lui semble bon, dans la mesure où cette liberté n’entrave pas celle des autres. En effet, chaque ménage produit des déchets, mais a dû mal à les gérer. La mauvaise herbe pousse sans l’intervention humaine, mais sa présence est nuisible pour l’Homme. Aussi pouvoir circuler en toute quiétude est le rêve de tout le monde, alors que les nids de poule sont désagréables, pénibles et transformés en dépotoir. Tous les acteurs sont interpellés et chaque individu doit répondre de sa responsabilité. Des décisions fortes doivent être adoptées et appliquées, pour mettre une meilleure vie en communauté.


Une Pensée désabusée

Un lac. Crédit : Freepik.

Rampe,

Marche,

Cours,

Vole,

Bribe de ma pensée.

Lacunaire à certains endroits,

Débordante en d’autres points.

Oui ! Elle est pauvre au regard de ma condition.

Non ! Je dirai plutôt qu’elle a été vidée de sa substance.

Pleine d’illusion, ma pensée désabusée avait pourtant sa consistance. M’a-t-on dit, qu’elle m’appartient et j’en produit ses fruits. Lorsque je sens qu’elle est violée, puis-je avancer l’argument d’avoir été fourni en mauvais produits ? En total immersion dans mon être, la qualité de ma pensée laissait toujours des particules lumineuses par son expression.

Tâche sur un métal d’une extrême rareté, la rouille amorce son installation. En effet, elle dépeint la coloration unique que la pensée créa.Tout rentre et souille l’originelle. Mes thématiques développées devinrent si fades.

Stop !

Cette souillure contamine donc ma pensée éclairée.

Crack !

La fissure devient si profonde à chaque réflexion.

Ma belle pensée s’effrite peu à peu. En effet, elle tombe en lambeaux et le vent, apportant des particules étrangères, accélèrent sa désagrégation. Intelligente dans son entièreté, ma pensée pousse des cris assourdissants, mais trop faibles pour éloigner l’inconnu.

La souche mère a ainsi disparu dans ce flot de distraction, d’interprétation, de doutes et de non filtrage.

Un chemin verdâtre et lumineux. Crédit : Freepik

Je n’en peux plus ! Ils me conseillent le discernement, mais dès sa germination, a été englouti par la masse de pensées inodores et malicieuses. Suis-je donc perdue ou est-ce un assoupissement? Aussi brillante dans son absolue, ma pensée a voulu, tant bien que mal, brillé dans cet embouteillage de flux pensifs.

Seulement à son plus grand regret, sa souche était devenue inexistante. Telle une passoire, elle laissait passer et ne retenait rien. Elle veut se rattacher à tout pour ne pas disparaître. Malheureusement, séparé depuis longtemps, elle ne pouvait pas se tourner vers le coeur. En effet, L’attente serait longue.

Dans sa perdition complète, ma pensée désabusée vole ainsi au loin pour conserver un minimum d’éclat.


La situation des femmes veuves et divorcées

L’image d’une femme divorcée tenant son alliance
Crédit : Freepik

Se marier, est le rêve secret nourri dans le cœur de toutes les filles et de tous les garçons. Ce beau jour où je m’unirai pour la vie à la personne que j’aime et fonder une famille. J’ai vu des tantes, des grandes sœurs, des amies et connaissances se marier. Elles étaient si heureuses et rayonnantes qu’il était donc impossible d’imaginer une rupture possible de cette union. Qu’elle puisse être naturelle ou humaine, je n’arrivais pas à le concevoir. Malheureusement, la vie est imprévisible et bouleverse tout en un claquement de doigt. Par exemple, le bien-aimé ou la bien-aimée est fauché.e par la maladie. Une décision unilatérale ou de commun accord, chacun part de son côté et refait sa vie. C’est la situation des femmes veuves et divorcées.

Je constate également que la femme est la personne qui paie plus les pots cassés. En effet, la femme est mise à la porte s’il n’y a pas eu un mariage civil. Je pourrai dire que toutes les femmes vivent la même réalité dans le monde. Seulement, en Afrique, la situation de veuvage et de divorce m’interpelle plus, particulièrement celle du Burkina Faso. Pour l’année 2020, par exemple, le tribunal de grande instance de Ouagadougou a enregistré près de 1400 cas de divorce. La situation est alarmante au regard du nombre de mariage qui se fait les jours prévus pour les célébrations dans les mairies et dans les lieux des différentes confessions religieuses.

De plus, la rapidité avec laquelle survient le veuvage et le divorce m’attriste énormément. Ce sont des projets de vie jetés aux oubliettes et aucune des parties ne mesure l’ampleur du drame dans l’immédiateté. En effet, les aléas de la vie sont imprévisibles et les conséquences qui en découlent sont désastreuses pour la société.

J’ai été témoin d’un cas particulier. En effet, il y avait une dame dans mon quartier qui a été dépouillée après le décès de son mari. La raison principale est le fait qu’elle n’a pas eu de fils. Malheureusement, la femme et ses enfants sont abandonnés à leur sort. Le lien qui l’unissait à son partenaire est rompu et la belle-famille « s’en lave les mains ». Depuis l’enfance, j’ai entendu dire que le mariage en Afrique est l’union entre deux familles. Pourquoi le divorce ou le veuvage devient une aubaine pour chasser la femme et la dépouiller des biens de son mari ? Les raisons sont éparses et sans fondements valables.

Les témoignages de certaines sont émouvants et il y a des points qui me font grincer des dents. Effectivement, la situation des femmes veuves et divorcées me consterne énormément.

Le rejet de la belle-famille

Dans l’ethnie mossi, une fille qui se marie appartient à sa nouvelle famille. En effet, sa belle-famille doit la considérer comme son enfant. Ce lien familial est malheureusement éphémère.

J’ai recueilli le témoignage d’une femme veuve qui a décidé de garder l’anonymat. Je la nommerai Espoir. Elle est originaire du Burkina Faso, plus précisément de la ville de Bobo Dioulasso. « J’ai été veuve à l’âge de 31 ans. Mon mari est décédé des suites d’une insuffisance rénale. Nous avons eu cinq enfants. Après le décès, ma belle-famille a convoqué une réunion. En effet, elle m’a faite savoir que j’étais libre et que je pouvais aller refaire ma vie. Mon défunt mari n’avait pas construit. Nous vivions dans la cour familiale après notre mariage. Je me débrouille en faisant des petits travaux par-ci et par-là. Je veux voir mes enfants réussir. L’ainé a obtenu son baccalauréat l’année passée. Les moyens me manquent pour lui offrir un vélo et amoindrir sa souffrance ».

Mon cœur se fendait quand j’écoutais Espoir parler. En effet, sa belle-famille ne contribuait en aucune manière au bien-être des enfants.

Les difficultés financières

Une image illustrant l’égalité financière recherchée entre l’homme et la femme. Crédit : Freepik

Certaines femmes sont inactives avant et après le mariage. En effet, le travail devient rare, surtout celui qui a trait à notre formation universitaire. Il y a des maris qui interdisent à leur femme de travailler pour la simple raison qu’ils ont suffisamment les moyens financiers pour tout gérer. Ils ne se préoccupent pas du lendemain et oublient que les charges financières s’amplifient après un veuvage ou un divorce. Dans mon entourage et cela depuis l’enfance, j’ai remarqué que l’homme est celui qui pourvoit aux besoins de la famille, car il accède plus rapidement à de meilleurs postes. Le salaire du mari prenait ainsi en charge tous les besoins lorsqu’il était présent. En plus, la pratique du lévirat détériore la situation des femmes veuves. Dans certaines familles, elle est utilisée pour garder la femme et les mains mises sur la fortune de son défunt mari.

L’argent et les biens matériels constituent un véritable problème. En effet, chacun veut sa part et toutes les méthodes sont pratiquées pour y parvenir. C’est malheureux ! Après l’enterrement ou la signature des papiers du divorce, tout le monde disparait. Certaines femmes commencent à demander quelques maigres sous auprès des personnes aux intentions douteuses.

Faut-il se transformer en mendiante pour pouvoir survivre en cas d’un veuvage ou d’un divorce ? Ou contracter un nouveau mariage dans la même famille pour conserver son train de vie ? Finalement, je n’arrive pas à trouver de réponse à cette éventualité.

Les préjugés de la société

La femme divorcée ou veuve est, en effet étiquetée de femme aux mœurs légères, lorsqu’elle décide de rester seule ou a de la peine à trouver un nouveau conjoint.

Lors d’une discussion avec un ami, je lui ai fait savoir que ma cousine avait divorcé et était heureuse de vivre seule. Il me fit savoir aussi qu’il y a une dame dans son quartier et qu’il était sûr qu’elle avait plusieurs amants. En effet, pour lui, la présence d’un homme était obligatoire dans sa vie. Cet ami en question n’a pas vu un homme rentrer chez cette dame. Il s’avère que la société perçoit d’un mauvais oeil, les femmes qui vivent seules. Malheureusement, certaines femmes décident de quitter leur habitation d’origine pour éviter l’humiliation que le divorce ou le veuvage engendre. En effet, les remarques faisant allusion à l’absence d’hommes dans leur vie sont blessantes, surtout venant des membres de la famille et des amis.es.

Une femme divorcée qui est assise dans un canapé avec son ex-mari. Crédit : Freepik

Une deuxième femme décide également de me raconter son vécu, tout en gardant l’anonymat. Je l’appellerai Victoire. Elle est originaire de la Côte d’Ivoire. « J’ai été mariée deux fois et j’ai divorcé deux fois. Dans ma première union, j’ai eu trois enfants. Nous habitions en Côte d’Ivoire. Les disputes étaient récurrentes et j’ai jugé bon de partir sans mes enfants. En effet, je pensais avoir plus de chance de me remarier. Arrivée au Burkina Faso, j’ai débuté une activité pour m’en sortir financièrement. Je me suis remariée. Nous avons eu deux enfants. Plus le temps passait, plus la situation dans la maison était invivable. Effectivement, il avait commencé à me traiter de femme malchanceuse et m’a sommé de partir. Malheureusement, je le fis encore en laissant mes enfants. Actuellement, je suis dans la restauration et j’ai ouvert mon local. J’aimerai m’acheter un lopin de terre, construire et vivre en paix ».

Elle a quitté son pays pour des faits qui sont indépendants de sa volonté. Ce regard porté sur la femme veuve ou divorcée est à la limite inhumaine. En plus, je pense que personne sur cette terre n’est à l’abri des préjugés provenant de la société. En d’autres termes, je veux que ce regard sur la situation des femmes veuves et divorcées change. Surtout, il faut permettre à chacune d’elle de guérir de ses blessures et traumatismes. Trouver des solutions, est par conséquent la meilleure chose à faire. La vie perdue ne se reconstruit pas du jour au lendemain et donner de l’espace à ces femmes est primordial pour restaurer leur santé mentale.

L’intervention du ministère du genre et de la famille

Les autorités compétentes doivent s’impliquer pour permettre une meilleure protection de cette couche vulnérable. Tout mal ayant besoin de soins, je préconise que :

  • Le ministère du genre et de la famille crée ainsi donc des structures d’accompagnement dotées de cellules d’écoute pour permettre à ces femmes de vider leur sac ;
  • Les professionnels aguerris en la matière doivent plus travailler avec ces structures pour apporter le meilleur diagnostique et le traitement adéquat par exemple ;
  • Les ressources financières seront allouées aux femmes rejetées par leur belle-famille ou leur propre famille pour subvenir à leurs besoins et de ceux de leurs enfants ;

La création d’opportunité de travail

Une femme veuve qui pleure après l’annonce du décès de son mari. Crédit : Freepik

J’ai fortement remarqué que les opportunités de travail offertes aux femmes ne concernent que la couture, le maraîchage, la restauration, etc. Alors que, le slogan le plus vulgarisé actuellement est « la promotion de la parité et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ». Comment promouvoir cette égalité si la majorité n’a pas reçu une formation scolaire et/ou universitaire adéquate ? Donc, je préconise de booster les femmes ayant le désir de continuer leurs études, en leur offrant des formations universitaires. Elles pourront ainsi se construire un plan de carrière. De même, je veux voir plus de femmes juristes, docteures, économistes, physiciennes, politologues, chimistes, philosophes…

Dans la même veine, je pense qu’elles pourraient occuper des postes stratégiques au sein des Assises nationales comme le Parlement. Ainsi, elles pourraient faire des propositions de loi, qui amélioreront la situation des femmes veuves et divorcées.

Au Burkina Faso, par exemple pour la composition du gouvernement de la Transition pour l’année 2022, nous n’avons que six femmes sur vingt-cinq ministres. Cela montre qu’il y a encore un véritable travail à faire pour changer ce déséquilibre.

La sensibilisation dans les communautés

Certainement, la sensibilisation est le meilleur moyen par lequel, des messages utiles seraient vulgarisés sur la situation des femmes veuves et divorcées.

Par exemple, dans les quartiers, il y a les groupements de femmes qui sont à mesure de renseigner sur la situation des femmes veuves et divorcées. De plus, la pensée des uns et des autres sont incontrôlables et je me dis que qu’il est possible de leur faire parvenir les informations utiles. Je sais que le sujet est sensible et le mal-être que crée l’ignorance est blessant. De même, je pense que dans les groupements de jeunes, l’initiation de débats-causeries permettrait de véhiculer le message approprié et d’éveiller les consciences. En plus, le théâtre est un parfait moyen pour sensibiliser en rendant le sujet vivant. En outre, plusieurs personnes pourraient s’y reconnaitre et devenir des leviers de changement. Je suis certaine que chaque vie est un témoignage à prendre en compte.

En conclusion, perdre un être cher n’a jamais été le souhait d’une personne. La mort et les raisons du cœur en décident autrement. Effectivement, aucune femme ne doit être la risée du quartier, parce qu’elle est une femme divorcée ou veuve. Son mari n’est plus là. C’est vrai. Elle est divorcée et veuve. L’aide n’a pas à être mendiée. Le plus important est qu’elle vienne du cœur. En effet, femme veuve ou divorcée ne signifie pas femme facile. En plus, elle a le droit au respect peu importe sa situation. Je suis une partisane pour le changement. En somme, j’aimerai que la mentalité sur la situation des femmes veuves et divorcées évolue dans ma société. Du jour au lendemain, tout peut basculer pour moi, pour toi.

Leaticia Marie Eliane NABI