La situation des femmes veuves et divorcées

Article : La situation des femmes veuves et divorcées
Crédit: EKATERINA BOLOVTSOVA / Pexels
22 juin 2022

La situation des femmes veuves et divorcées

L’image d’une femme divorcée tenant son alliance
Crédit : Freepik

Se marier, est le rêve secret nourri dans le cœur de toutes les filles et de tous les garçons. Ce beau jour où je m’unirai pour la vie à la personne que j’aime et fonder une famille. J’ai vu des tantes, des grandes sœurs, des amies et connaissances se marier. Elles étaient si heureuses et rayonnantes qu’il était donc impossible d’imaginer une rupture possible de cette union. Qu’elle puisse être naturelle ou humaine, je n’arrivais pas à le concevoir. Malheureusement, la vie est imprévisible et bouleverse tout en un claquement de doigt. Par exemple, le bien-aimé ou la bien-aimée est fauché.e par la maladie. Une décision unilatérale ou de commun accord, chacun part de son côté et refait sa vie. C’est la situation des femmes veuves et divorcées.

Je constate également que la femme est la personne qui paie plus les pots cassés. En effet, la femme est mise à la porte s’il n’y a pas eu un mariage civil. Je pourrai dire que toutes les femmes vivent la même réalité dans le monde. Seulement, en Afrique, la situation de veuvage et de divorce m’interpelle plus, particulièrement celle du Burkina Faso. Pour l’année 2020, par exemple, le tribunal de grande instance de Ouagadougou a enregistré près de 1400 cas de divorce. La situation est alarmante au regard du nombre de mariage qui se fait les jours prévus pour les célébrations dans les mairies et dans les lieux des différentes confessions religieuses.

De plus, la rapidité avec laquelle survient le veuvage et le divorce m’attriste énormément. Ce sont des projets de vie jetés aux oubliettes et aucune des parties ne mesure l’ampleur du drame dans l’immédiateté. En effet, les aléas de la vie sont imprévisibles et les conséquences qui en découlent sont désastreuses pour la société.

J’ai été témoin d’un cas particulier. En effet, il y avait une dame dans mon quartier qui a été dépouillée après le décès de son mari. La raison principale est le fait qu’elle n’a pas eu de fils. Malheureusement, la femme et ses enfants sont abandonnés à leur sort. Le lien qui l’unissait à son partenaire est rompu et la belle-famille « s’en lave les mains ». Depuis l’enfance, j’ai entendu dire que le mariage en Afrique est l’union entre deux familles. Pourquoi le divorce ou le veuvage devient une aubaine pour chasser la femme et la dépouiller des biens de son mari ? Les raisons sont éparses et sans fondements valables.

Les témoignages de certaines sont émouvants et il y a des points qui me font grincer des dents. Effectivement, la situation des femmes veuves et divorcées me consterne énormément.

Le rejet de la belle-famille

Dans l’ethnie mossi, une fille qui se marie appartient à sa nouvelle famille. En effet, sa belle-famille doit la considérer comme son enfant. Ce lien familial est malheureusement éphémère.

J’ai recueilli le témoignage d’une femme veuve qui a décidé de garder l’anonymat. Je la nommerai Espoir. Elle est originaire du Burkina Faso, plus précisément de la ville de Bobo Dioulasso. « J’ai été veuve à l’âge de 31 ans. Mon mari est décédé des suites d’une insuffisance rénale. Nous avons eu cinq enfants. Après le décès, ma belle-famille a convoqué une réunion. En effet, elle m’a faite savoir que j’étais libre et que je pouvais aller refaire ma vie. Mon défunt mari n’avait pas construit. Nous vivions dans la cour familiale après notre mariage. Je me débrouille en faisant des petits travaux par-ci et par-là. Je veux voir mes enfants réussir. L’ainé a obtenu son baccalauréat l’année passée. Les moyens me manquent pour lui offrir un vélo et amoindrir sa souffrance ».

Mon cœur se fendait quand j’écoutais Espoir parler. En effet, sa belle-famille ne contribuait en aucune manière au bien-être des enfants.

Les difficultés financières

Une image illustrant l’égalité financière recherchée entre l’homme et la femme. Crédit : Freepik

Certaines femmes sont inactives avant et après le mariage. En effet, le travail devient rare, surtout celui qui a trait à notre formation universitaire. Il y a des maris qui interdisent à leur femme de travailler pour la simple raison qu’ils ont suffisamment les moyens financiers pour tout gérer. Ils ne se préoccupent pas du lendemain et oublient que les charges financières s’amplifient après un veuvage ou un divorce. Dans mon entourage et cela depuis l’enfance, j’ai remarqué que l’homme est celui qui pourvoit aux besoins de la famille, car il accède plus rapidement à de meilleurs postes. Le salaire du mari prenait ainsi en charge tous les besoins lorsqu’il était présent. En plus, la pratique du lévirat détériore la situation des femmes veuves. Dans certaines familles, elle est utilisée pour garder la femme et les mains mises sur la fortune de son défunt mari.

L’argent et les biens matériels constituent un véritable problème. En effet, chacun veut sa part et toutes les méthodes sont pratiquées pour y parvenir. C’est malheureux ! Après l’enterrement ou la signature des papiers du divorce, tout le monde disparait. Certaines femmes commencent à demander quelques maigres sous auprès des personnes aux intentions douteuses.

Faut-il se transformer en mendiante pour pouvoir survivre en cas d’un veuvage ou d’un divorce ? Ou contracter un nouveau mariage dans la même famille pour conserver son train de vie ? Finalement, je n’arrive pas à trouver de réponse à cette éventualité.

Les préjugés de la société

La femme divorcée ou veuve est, en effet étiquetée de femme aux mœurs légères, lorsqu’elle décide de rester seule ou a de la peine à trouver un nouveau conjoint.

Lors d’une discussion avec un ami, je lui ai fait savoir que ma cousine avait divorcé et était heureuse de vivre seule. Il me fit savoir aussi qu’il y a une dame dans son quartier et qu’il était sûr qu’elle avait plusieurs amants. En effet, pour lui, la présence d’un homme était obligatoire dans sa vie. Cet ami en question n’a pas vu un homme rentrer chez cette dame. Il s’avère que la société perçoit d’un mauvais oeil, les femmes qui vivent seules. Malheureusement, certaines femmes décident de quitter leur habitation d’origine pour éviter l’humiliation que le divorce ou le veuvage engendre. En effet, les remarques faisant allusion à l’absence d’hommes dans leur vie sont blessantes, surtout venant des membres de la famille et des amis.es.

Une femme divorcée qui est assise dans un canapé avec son ex-mari. Crédit : Freepik

Une deuxième femme décide également de me raconter son vécu, tout en gardant l’anonymat. Je l’appellerai Victoire. Elle est originaire de la Côte d’Ivoire. « J’ai été mariée deux fois et j’ai divorcé deux fois. Dans ma première union, j’ai eu trois enfants. Nous habitions en Côte d’Ivoire. Les disputes étaient récurrentes et j’ai jugé bon de partir sans mes enfants. En effet, je pensais avoir plus de chance de me remarier. Arrivée au Burkina Faso, j’ai débuté une activité pour m’en sortir financièrement. Je me suis remariée. Nous avons eu deux enfants. Plus le temps passait, plus la situation dans la maison était invivable. Effectivement, il avait commencé à me traiter de femme malchanceuse et m’a sommé de partir. Malheureusement, je le fis encore en laissant mes enfants. Actuellement, je suis dans la restauration et j’ai ouvert mon local. J’aimerai m’acheter un lopin de terre, construire et vivre en paix ».

Elle a quitté son pays pour des faits qui sont indépendants de sa volonté. Ce regard porté sur la femme veuve ou divorcée est à la limite inhumaine. En plus, je pense que personne sur cette terre n’est à l’abri des préjugés provenant de la société. En d’autres termes, je veux que ce regard sur la situation des femmes veuves et divorcées change. Surtout, il faut permettre à chacune d’elle de guérir de ses blessures et traumatismes. Trouver des solutions, est par conséquent la meilleure chose à faire. La vie perdue ne se reconstruit pas du jour au lendemain et donner de l’espace à ces femmes est primordial pour restaurer leur santé mentale.

L’intervention du ministère du genre et de la famille

Les autorités compétentes doivent s’impliquer pour permettre une meilleure protection de cette couche vulnérable. Tout mal ayant besoin de soins, je préconise que :

  • Le ministère du genre et de la famille crée ainsi donc des structures d’accompagnement dotées de cellules d’écoute pour permettre à ces femmes de vider leur sac ;
  • Les professionnels aguerris en la matière doivent plus travailler avec ces structures pour apporter le meilleur diagnostique et le traitement adéquat par exemple ;
  • Les ressources financières seront allouées aux femmes rejetées par leur belle-famille ou leur propre famille pour subvenir à leurs besoins et de ceux de leurs enfants ;

La création d’opportunité de travail

Une femme veuve qui pleure après l’annonce du décès de son mari. Crédit : Freepik

J’ai fortement remarqué que les opportunités de travail offertes aux femmes ne concernent que la couture, le maraîchage, la restauration, etc. Alors que, le slogan le plus vulgarisé actuellement est « la promotion de la parité et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ». Comment promouvoir cette égalité si la majorité n’a pas reçu une formation scolaire et/ou universitaire adéquate ? Donc, je préconise de booster les femmes ayant le désir de continuer leurs études, en leur offrant des formations universitaires. Elles pourront ainsi se construire un plan de carrière. De même, je veux voir plus de femmes juristes, docteures, économistes, physiciennes, politologues, chimistes, philosophes…

Dans la même veine, je pense qu’elles pourraient occuper des postes stratégiques au sein des Assises nationales comme le Parlement. Ainsi, elles pourraient faire des propositions de loi, qui amélioreront la situation des femmes veuves et divorcées.

Au Burkina Faso, par exemple pour la composition du gouvernement de la Transition pour l’année 2022, nous n’avons que six femmes sur vingt-cinq ministres. Cela montre qu’il y a encore un véritable travail à faire pour changer ce déséquilibre.

La sensibilisation dans les communautés

Certainement, la sensibilisation est le meilleur moyen par lequel, des messages utiles seraient vulgarisés sur la situation des femmes veuves et divorcées.

Par exemple, dans les quartiers, il y a les groupements de femmes qui sont à mesure de renseigner sur la situation des femmes veuves et divorcées. De plus, la pensée des uns et des autres sont incontrôlables et je me dis que qu’il est possible de leur faire parvenir les informations utiles. Je sais que le sujet est sensible et le mal-être que crée l’ignorance est blessant. De même, je pense que dans les groupements de jeunes, l’initiation de débats-causeries permettrait de véhiculer le message approprié et d’éveiller les consciences. En plus, le théâtre est un parfait moyen pour sensibiliser en rendant le sujet vivant. En outre, plusieurs personnes pourraient s’y reconnaitre et devenir des leviers de changement. Je suis certaine que chaque vie est un témoignage à prendre en compte.

En conclusion, perdre un être cher n’a jamais été le souhait d’une personne. La mort et les raisons du cœur en décident autrement. Effectivement, aucune femme ne doit être la risée du quartier, parce qu’elle est une femme divorcée ou veuve. Son mari n’est plus là. C’est vrai. Elle est divorcée et veuve. L’aide n’a pas à être mendiée. Le plus important est qu’elle vienne du cœur. En effet, femme veuve ou divorcée ne signifie pas femme facile. En plus, elle a le droit au respect peu importe sa situation. Je suis une partisane pour le changement. En somme, j’aimerai que la mentalité sur la situation des femmes veuves et divorcées évolue dans ma société. Du jour au lendemain, tout peut basculer pour moi, pour toi.

Leaticia Marie Eliane NABI

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Commentaires

Pascal
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Très beau texte

Leaticia Marie Eliane Nabi
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Merci bien !