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Une main tendue

Il était 16h05 à ma montre, lorsque je finis mon travail au bureau. Sur ma motocyclette, j’observais mon alentour. De ma droite à ma gauche, il se trouvait des petits commerces. Ils animaient et attiraient l’attention des passants. J’avais envie de m’arrêter, de répondre à la main tendue par les interlocuteurs et de participer à cette magnifique animation. Mais je ne pouvais pas le faire. Je devais vite rentrer à la maison, car ma famille me manquait. Quitter le matin pour donner un peu de soi au monde, était bien. Mais mon retour ranimait mon visage et revigorait mon âme. J’imaginais qui je pourrais retrouver en entrant ou qui m’ouvrirait la porte, quand je poserai mon index sur la sonnette. Mon petit chat courrait -peut-être pas- et viendrait s’entremêler entre mes pieds. Ce geste augmenterait considérablement ma joie ! Le fait d’y penser, me faisait sourire bêtement.

J’oubliai qu’à cette heure de la soirée, les voitures roulaient à pleine vitesse, que les motocyclistes klaxonnaient à assourdir et que les piétons s’empressaient de traverser la voie, de peur de se faire écraser par un chauffard. C’est ce qui fait également le charme de la capitale burkinabè !

Pendant un instant, je quittai mes pensées. Le feu tricolore à quelques mètres de moi, me signalait de m’arrêter. En effet, il était rouge. J’appuyai délicatement sur le frein à pied pour éviter que mon pneu arrière ne me fasse déraper de ma trajectoire. Je posai mon pied gauche à terre et j’attendis le passage du feu rouge au vert. Pour faire passer le temps, je balançai mes yeux sans but autour de moi. Je vis une petite fille qui tenait la main de sa mère. Elles s’apprêtaient à traverser la route. Tout à coup, l’image me renvoya dans mon enfance. Je me rappelai à quel point j’avais été triste à une époque.

Jusqu’à mes quatre ans, ma vie était belle. Cependant, elle bascula d’une manière inattendue, le jour où ma mère franchit la porte de notre maison avec un bébé dans les bras. L’attention de mes parents, de mes oncles et tantes, des grands cousins étaient dirigés vers ce petit être qui gazouillait en permanence des mots incompréhensibles. Aussi, je me souvins des punitions sans queue ni tête que j’écopais telle une accusée à la barre d’un tribunal populaire. De même, les cadeaux entiers se divisaient en deux ou carrément soustraits au profit du nouveau membre de la famille.

 Il arrivait que ma solitude fut comblée, d’une part avec la présence de ma grand-mère qui venait aider ma mère et d’autre part avec celle de ma tante. Toutefois, mon mal-être me recouvrait après leur départ. En tant qu’enfant, je me suis demandée pourquoi moi ? Mes larmes voulurent couler. Mais je me retins. De plus, je me souvins que je passais beaucoup plus de temps à parler à Dieu. Cette situation naquit avec mon entrée à la catéchèse à l’époque. La maman ou le papa catéchèse nous exhortait à beaucoup prier et à adresser tous nos vœux à notre Créateur. Me sentant seule en ce moment, j’eus le sentiment que cette perche m’était tendue. Mes jours et mes nuits étaient consacrés à lui. Il s’agissait plus d’un monologue, mais j’en sortais plus épanouie.

En connexion et en déconnexion avec ma réalité, je remarquai que le feu tricolore était vert. J’accélérai donc vers la maison, tout gardant en tête l’image de la main tendue. Cette dernière me fit réaliser, qu’il était temps de tendre la main également à la petite fille triste, enfermée dans sa chambre et qui fixait la fenêtre sans une raison apparente.

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Auteur·e

yaamato

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